Nature-morte dite aux oeufs, avec jarre et lampe à huile suspendue.
Peinte en 1963, cette composition semble moins présenter une illusion de la réalité que l'illusion d'une image photographique. On pense alors immédiatement au photoréalisme, quand bien même ce mouvement et le terme qui le désigne n'avaient pas encore émergé sur la scène artistique en cette année 1963.
Car si René Chancrin évite soigneusement toute trace qui puisse trahir les mouvements de la brosse et du pinceau comme le feront les peintres hyperréalistes américains, l'originalité dont fait preuve le peintre lyonnais se situe ailleurs. Elle consiste à unir un traitement pictural photographique à des compositions qui rappellent les écoles de peinture du Nord de l'Europe, Flandres et Hollande, lesquelles ont donné au genre de la nature-morte ses lettres de noblesse.
En effet, qu'il s'agisse du choix des objets fait par René Chancrin, posés sur un entablement devant un fond neutre, associé à la dramatisation de l'éclairage qui rappelle les continuateurs du Caravage qui privilégiaient des effets lumineux intenses provoqués par la flamme d'une bougie dans d'obscurs intérieurs domestiques, tous ces éléments nous ramènent à des traditions picturales bien établies.
Cependant, l'éclairage secondaire qui crée un effet d'ombres croisées, le fond rapproché devant lequel se dressent les objets donnant l'impression de l'usage d'une lightbox comme en utilisent les photographes, ajoutés à la minutie de l'exécution que l'on peut associer autant à l'hyperréalisme qu'au précisionnisme des années 1920, inscrivent clairement l'oeuvre de René Chancrin dans la peinture figurative de son siècle.
Nature-morte aux oeufs
Huile sur toile